DANS LES COULISSES DU JARDIN
Si le jardin ne dort que d'un oeil en janvier, livrant quelques corolles salvatrices aux égarés du moment, je n'aurais pas imaginé y planter encore ce mois-ci. C'était sans compter avec les charmantes attentions de mes camarades jardiniers qui m'offraient pour le Nouvel An un superbe nandina tout de pourpre vêtu.
Il n'en fallait pas plus pour réveiller des ardeurs jardinières à peine assoupies. Ce bel arbuste complèterait à merveille ce petit coin de massif que j'avais commencé à habiller d'un décor hivernal l'an passé avec les bois rouges du cornouiller, et le bergenia à fleurs blanches. Mais il me fallait lui donner un fond sur lequel il puisse faire valoir ses qualités. Un coup de chance mit sur ma route un conifère bleuté aux extrémités lumineuses. J'ajoutais à mon panier quelques hellébores et une graminée à la chaude blondeur qui répondrait aux tonalités de sa voisine.
A gauche, la nouvelle graminée, en fleurs, les hellébores, puis le cornouiller à bois rouge devant le conifère. A droite enfin, le nandina soutenu par une collerette d'heuchères sombres. La machine relancée, un sarcococca aux sombres feuilles et parfum enivrant vint compléter le tableau.
Dans quelques mois le visage de ce massif aura complètement changé, mais je suis ravie de profiter de ce spectacle quand le ciel chavire et m'oblige à rester le nez au carreau. Et de savoir que je le retrouverai ensuite.
En mars, les arbustes caducs, quasi invisibles en ce moment, fleuriront, pendeloques jaunes acidulées du stachyurus et clochettes ivoires de l'abéliophyllum, en avril leurs feuillages se déploieront. En mai plus haut 'Rhapsodie in blue' étalera ses corolles et la glycine blanche consentira peut-être à offrir quelques grappes. En juin, le délicieux 'Auberge de l'Ill' se joindra à la mêlée des sauges et des heuchères surplombées par la grande valériane officinale. L'été endormira-t'il encore les végétaux dans sa torpeur implacable ? L'automne saura-t'il cette année trouver plus de couleurs ?
Entre ses sautes d'humeur janvier se faisait si doux, les rosiers prenaient un élan qu'il fallait canaliser au risque de se faire peur devant le résultat. Les souvenirs de l'an passé, qui me vit jouer du sécateur aussi largement, me rassurent un peu.
En mars, les feuillages s'étoffaient déjà, en avril et mai les arbustes et lianes croulaient sous les roses, en juin les vivaces comblaient les creux entre deux vagues fleuries. Septembre ranimait les ardeurs éteintes par la chaleur estivale. En novembre, les caducs n'avaient pas encore abandonné la partie.
A cette période, le pied du cerisier parait bien dégarni malgré la giroflée qui m'a tant fait peur cet été. Les géraniums vivaces ajoutés cet automne en couvre-sol, la pervenche panachée et le nandina 'Pink Blush' devrait à terme y remédier. Puis le passage des jours amenant d'abondantes splendeurs.
Dès mars la giroflée se couvrira de fleurs pour plusieurs mois. En avril, les feuilles toutes neuves ajouteront leurs couleurs, les rosiers ensuite. Puis en septembre la vedette sera laissée aux frondaisons mûrissantes qui animeront octobre de couleurs changeantes avant leur chute.
Dans la haie, le spectacle parait figé pour quelques mois.
Les coussins des graminées, épimèdes, sisyrinchiums, sauges, lavandes, bruyère d'Irlande, et hélianthèmes semblent intangibles. En mars on perçoit les variations de couleurs qu'accompagnent les bulbes fleuris. Rosiers, sauges, bruyère et sisyrinchiums magnifieront la fin du printemps. Au coeur de l'été, dans l'automne, sauge et bruyère persisteront sous l'immense éventail des tiges de la stipe géante.
Une évolution lente doit se faire avec la pousse du rosier et de l'arbre à neige, encore jeunes et bas. Du fait aussi de l'abandon du forsythia dont le dépérissement est de plus en plus marqué.
Le portillon bleu dépouillé de ses atours habituels prend des allures de gravure japonaise encadré de formes taillées, orné des pompons rose tendre de la viorne. Souvent le tableau s'enrichit de la joliesse des mésanges.
Si l'endroit est parfois remanié, notamment en raison de la pousse des vivaces, la structure reste stable, et la partition connue. C'est le plus ancien massif du jardin et il a trouvé une assise qui me convient.
Les primevères, violettes et hellébores accompagneront le passage de l'hiver au printemps, la floraison du petit prunus. Les roses feront une entrée triomphale et vibrante. Une baisse de ton est à prévoir au plus fort de l'été jusqu'à l'apparition conjuguée des asters multicolores et feuillages automnaux. L'ajout de quelques délicates comparses cet automne donnera un éclat supplémentaire à cette scène bien rôdée mais toujours plaisante.
Tout au moins je l'espère. Ainsi va la vie au jardin en janvier entre attente, espoirs, préparatifs et anticipation de la pièce qui se jouera au long de l'année dans le théatre végétal, dont les actrices principales du moment vous saluent.
Belle semaine.