EMBARQUEMENT IMMEDIAT
dans le sillage des découvreurs de contrées nouvelles, de plantes différentes, de matières et d'épices fabuleuses.
Chargeons la cale de vivres et de matériel,
d'outils, instruments de mesure,
sans oublier la pharmacopée nécessaire aux soins des membres de l'expédition. Hissons les voiles.
Depuis l'antiquité, des routes commerciales relient Orient et Occident. Cédres du Liban, encens, soie et épices circulent par voie maritime ou terrestre. Les phéniciens ont fondé plus de 20 siècles avant J-C les comptoirs du Levant et contrôlent les échanges autour de la Méditerranée. Plus tard, les vénitiens détiendront le monopole des épices et de la soie. L'encens issu d'arbustes poussant en Ethiopie, Somalie, Oman et Yémen, est très prisé des égyptiens qui l'utilisent pour l'embaumement et sont à l'origine de son commerce. Vendu séché, sa provenance est cachée, jusqu'à ce que la reine Ashepsout envoie une expédition qui rapporte des arbustes et procède à la première acclimatation végétale.
Les épices, elles, sont collectées par les négociants chinois puis prises en charge par les marchands arabes qui les acheminent vers la méditerranée. La soie circulait avec des caravanes qui partaient du centre de la Chine, traversaient Mongolie et Tibet, rejoignaient Perse ou Inde au fil d'un périple long et dangereux qui augmentait fortement le coût du produit. Si bien que la voie maritime fut privilégiée dès le XV° siècle.
Au XV° siècle les portugais lancent les grandes explorations et ouvrent la voie des Indes par le cap de Bonne-Espérance. En 1604, Louis Hébert, apothicaire parisien, membre de l'expédition Champlain arrive en Nouvelle-France (Canada). C'est le premier botaniste de l'Amérique.
Ses successeurs, missionnés aux frais de la couronne dans les colonies, devront faire parvenir aux jardins royaux, les espèces qu'ils découvrent sous peine d'emprisonnement.
Le Nouveau Monde, l'Asie sont à portée de voiles,
Les territoires sont explorés,
les ressources exploitées,
les plantes collectées,
répertoriées.
Pierre Magnol (1638-1715) dont on donnera le nom au Magnolia, eut le premier l'idée de proposer le classement des plantes par famille. Pour ce faire, il lui fallut abjurer sa foi protestante afin d'obtenir la chaire de botanique de la faculté de médecine, et devenir le directeur du jardin botanique de Montpellier.
Au XVIII° siècle, les botanistes de tous pays s'entraident et partagent leurs connaissances, sans souci des frontières, pour identifier les espèces, découvrir leurs propriétés et usages possibles.
Portugal, Hollande, France et Angleterre ont leurs comptoirs des Indes et cherchent à imposer leur monopole. Au XVII°, les hollandais fondent la compagnie unifiée des Indes orientales, première à répartir le capital en actions négociables à la bourse d'Amsterdam. Aussi puissante qu'un état, elle peut battre monnaie, faire la guerre, exercer la justice.
Depuis Marco Polo, les pays européens rêvent de s'emparer des richesses de la Chine et d'y établir des comptoirs. Les anglais introduisent en Chine de l'opium cultivé en Birmanie afin que le pays en réagissant leur fournisse prétexte à déclarer la guerre et envahir le pays. Le traité de Nankin signé en 1842 met fin à la première guerre de l'opium et ouvre la chine au commerce occidental. Il donne Hong-Kong à la Grande-Bretagne. En octobre 1860, l'Empereur s'enfuit, les troupes anglo-françaises dévastent le Palais d'été à Pékin. Le secret des plantations de thé leur échappe cependant, jusqu'à ce que Robert Fortune, botaniste écossais, déguisé en mandarin, "découvre" des plants de thé dont il s'empare pour les acclimater et les multiplier dans les colonies anglaises. C'est le début de l'hégémonie anglaise en matière de thé.
La "chasse" aux plantes a ouvert la Chine au monde, le Japon suit cédant aux menaces des Etats-Unis en 1852. L'Occident découvre, outre territoires et ressources, des civilisations fascinantes.
Au retour des navires, les docks se remplissent de plantes
de marchandises,
qui partent vers les entrepôts des marchands et seront vendues.
Les espèces nouvelles font l'objet d'essais de culture,
d'acclimatation, d'études.
Les Expositions Universelles montrent les richesses ramenées des nouvelles terres conquises. L'engouement pour le Japon porte les artistes à introduire les plantes dans leurs oeuvres. L'Art Nouveau de la fin du XIX° avec des gens comme Gallé à Nancy, en est la plus flagrante illustration. Monet découvre les estampes et planches botaniques japonaises chez son boucher qui s'en sert pour emballer sa viande. Il les collectionne pour nourrir son inspiration. Les horticulteurs français sont partout, New-York, Moscou, Buenos-Aires...Et ont les premiers, l'idée de protéger leurs variétés.
Ainsi la passion des botanistes, les ambitions des explorateurs ont façonné notre monde, influencé le commerce, créé une forme d'économie, joué sur le cours de l'art,
enrichi nos jardins,
fait progresser notre médecine,
diversifié notre alimentation...
Vous venez de vivre avec moi, un condensé de cette fabuleuse aventure des plantes que je vous conseille de suivre par vous-même en visitant Terra Botanica d'où sont tirées toutes les photos et explications de ce billet, dès la réouverture printanière du parc à Angers.
Bon début de semaine.