RÊVER, CONCRETISER, RÊVER ENCORE
Tout jardin offre deux versants.
D'un côté, le travail et la réflexion, l'observation et la logique. De l'autre, les envies, les surprises, les coups de coeur et le hasard. Les deux se rejoignent quand un rêve devient réalité.
Longtemps, j'ai rêvé de voir disparaitre les affreux pavés autobloquants qui constituaient l'allée carrossable devant le garage et se faufilaient jusqu'à la porte d'entrée. Presque aussi longtemps, j'ai souhaité être débarrassée des caillebotis de la terrasse qui me valaient de longues et inintéressantes séances de désherbage.
J'ai souhaité longtemps, l'évaporation des murailles de lauriers-palmes qui enserraient le jardin dans un carcan lassant, rêvé d'exubérance et de souplesse, de plus de délicatesse.
Pendant qu' un entrepreneur se chargeait du gros-oeuvre, attendant de retrouver la libre disposition de mon jardin, je rêvais plantes et massifs, aménagements et décoration en feuilletant et visitant catalogues, livres et sites.
Le premier vague croquis évoquant quelques rosiers grimpants sur fond de lierre panaché, s'étoffait d'envies nouvelles, le motif s'enrichissait jusqu'à donner naissance aux plans de quatre petits massifs et l'idée d'une micro-clairière.
Entre le Grand Massif et le futur cabanon, le coin au Sambucus.
Sambucus nigra "Black Lace", Abeliophyllum disticum, hosta "Obsidian", Sauge "Caradonna", Persicaire "Early pink rose".
A l'opposé, près de la haie donnant sur la rue, un ensemble d'esprit italien entoure un arceau.
Juniperus "Sentinel", Romarin rampant "Capri", Rosier 'Katharina Zeimet', Juniperus tamariscifolia, Rosier 'Buff Beauty'.
A mi-chemin de l'Allée des Lierres, un troisième ilôt s'organise autour du grimpant 'Guirlande d'amour'.
Abelia x grandiflora "Hopley", Rosier 'Guirlande d'amour', Cornus alba "Ivory halo", nepetas "snowflake", ophiopogons nigrecens, Euphorbe characias wulfenii.
Enfin, près du cerisier, un groupe s'ancre autour d'un stephanandra.
Stephanandra tanakae, Euonymus alatus compactus, Géranium psilostemon Eva, sauges nemorosa, ceratostigmas plumbaginoïdes, Aster "Ezo Murasaki".
Mon terrain de jeu récupéré, largement amélioré, entre commandes, cadeaux des amies et troc, je plantais dix lierres, cinq rosiers grimpants, une dizaine d'arbustes, quatre conifères, une quarantaine de vivaces, des iris panachés. Déplaçais mon jasmin officinal et un grand eleagnus. Découvrais une clairière minuscule sur l'arrière du grand massif.
Lui inventait un fleurissement.
Iris panachés, arum, vinca argenteovariegata.
Donnais des portes à Ré.
Remettais en place une partie des pots et arrosoirs, replantais les stipes, erigerons et petits sedum pourpres mis à l'abri des travaux de terrassement et me trouvais à la tête d'une pile de pavés à ranger, heureuse détentrice de matériaux récupérés du chantier. Et d'autres petits bouts de rêves à réaliser...
N'oubliais pas de grapiller au vol ces instants parfois magiques que le jardin nous offre,
***
Les rêves d'un jardinier ne s'arrêtent pas aux limites de son jardin. Il rêve d'autres jardins, il rêve de visiter des jardins, il rêve dans d'autres jardins que le sien, et parfois comble de bonheur, y travaille.
Dès que j'ai eu un jardin, je me suis tournée vers les roses anciennes et les ai trouvées chez André Eve. Que j'ai eu le plaisir tout à fait inopiné de rencontrer au Rivau, ignorant le programme des festivités du jour et sa présence dans les murs. Après avoir bavardé un moment, il me proposait de me joindre à leur groupe, et je regrette encore d'avoir dû décliner cette charmante invitation.
Cet amoureux des roses,n créateur de variétés splendides, qui aimait tant aussi les gens les aimant, nous a quitté l'an dernier avant que j'aie trouvé le moment propice pour visiter ses jardins.
Mais ce 18 novembre, j'ai saisi l'occasion de m'y rendre et y ai travaillé avec tant de plaisir que je ne l'ai même pas visité !
Quelques photos prises à la volée. Je ne suis pas allée voir au-delà de la célébrissime cabane !
Une association de passionnés s'est mise en place pour que le jardin d'André Eve vive et puisse recevoir encore des visiteurs, donner du rêve et de la beauté. Sans jardinier à demeure, des "charrettes" sont organisées certains week-end pour venir à bout des travaux nécessaires au rafraichissement d'un lieu aussi généreux que l'était son créateur.
Guidé par Malo et Bénédicte, c'est avec tout un groupe de gens très sympathiques que j'ai contribué au nettoyage du jardin, tout en participant ou en assistant à de passionnants échanges. Joie des rencontres avec des correspondantes dont je fréquente assidûment les blogs, Malo et Béné bien sûr, et Bénédicte aussi.
D'autres charrettes suivront, le travail n'est pas terminé, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues. Et si vous ne pouvez pas venir goûter à cette belle ambiance qui porte l'équipe de l'association des Amis d'André Eve, vous pouvez toujours les aider en vous inscrivant à l'association, et aller faire un tour sur le blog.
Le dernier jardin dessiné par André Eve qui regroupe ses roses mêlées comme toujours de vivaces est à Chamerolles, serti dans un écrin que je vous laisse le soin de découvrir par vous-même. Celui-ci est son jardin, celui de sa maison.
Les jardins se nourissent de notre travil et de nos rêves qu'ils nous rendent au centuple.
Belle fin de semaine.